europia logo white

GenAI & Créativité : une révolution dans la musique

futuristic-computer-eq`uipment-glows-dark-connected-by-network-server-generated-by-ai-1080x675.png
04 Nov, 2024

GenAI & Créativité : une révolution dans la musique 

par Chiara Sottocorona, Experte IA et Medias


Au début, cela ressemblait à une blague. Mais en quelques mois, le phénomène a explosé: les morceaux de musique générés par l'intelligence artificielle, avec les voix clonées de chanteurs célèbres, ou même d'artistes décédés (David Bowie, Freddy Mercury ou Michael Jackson) se sont multipliées sur les réseaux sociaux et sur les plateformes de streaming ainsi. « Heart On My Sleeve » est le premier tube qui a suscité un tollé : il semblait s'agir d'un nouveau titre du rappeur canadien Drake, mais il s'est avéré être une fake-song, « fausse chanson ».

 On était en l’avril 2023 : la chanson générée par l'IA, avec la voix de Drake, a été lancée sur TikTok par l'utilisateur Ghostwriter977, elle est devenue virale en un seul mois, avec 230 000 écoutes sur Youtube et 625 000 sur Spotify. Jusqu'à ce que l'artiste menace des actions en justice et que sa maison de disques n‘intervienne en mai pour retirer la chanson de Spotify, YouTube et Apple Music. Inutile. En juin, la même chanson ainsi qu'une douzaine d'autres titres générés par des algorithmes, toujours avec la voixde de Drake, sont arrivés en tête du classement « AI Hits ».  Il s'agit d'un site créé par Michael Sayman, un informaticien de 26 ans, qui passe en revue les 100 chansons générées par l'IA les plus écoutées sur le web, y compris les voix clonées d'autres stars telles que Travis Scott ou Rihanna. Les chansons syntéthiques avec la voix de Drake sont toujours en tête aujourd’hui, poussées par les écoutes sur TitTok.    "Nous devons mener une bataille pour défendre notre capital humain face à l'IA », a prévenu le chanteur et compositeur Sting devant les micros de la BBC.

 Dans le monde de la musique, toutefois, les avis sont partagés. Plusieurs artistes expérimentent des outils d'intelligence artificielle pour créer de nouvelles composition ou réaliser plus facilement des textes. Pour les jeunes, l'IA représente une opportunité de démocratiser l'accès à la création musicale.

Enzo Mazza, PDG italien de la Fimi (Fédération de l'industrie musicale) nous a dit: “La révolution apportée par l'IA générative dans la musique n'est comparable qu'à celle de Napster, c'est la plus importante depuis le début du partage de fichiers et du téléchargement ».  Comment vont réagir les majors de la musique?   “Contrairement au passé, l'industrie musicale n'a pas l'intention de s'y opposer, elle tente de gouverner et d'intégrer cette avancée technologique. Notamment parce que l'IA générative fait désormais partie de la production musicale- reconnait Mazza- Quelqu'un qui utilise une application comme Boomy peut générer en quelques secondes une base instrumentale sur laquelle enregistrer une voix. Les utilisateurs ont ainsi créé déjà  14,5 millions de chansons ». 

La génération Z, qui a fait exploser la consommation de musique en streaming, aime non seulement la partager, mais aussi inventer de nouveaux mélanges musicaux.

Une enquête menée à l’été 2023 par Fimi, en collaboration avec Giffoni Innovation hub et Città della Musica à Naples, auprès de 3 000 utilisateurs italiens, dont 70 % avaient moins de 34 ans, a révélé de nouvelles attitudes. À la question « Utiliseriez-vous une IA pour créer de la musique? Plus de 10 % des moins de 34 ans ont répondu qu'ils l'avaient déjà fait. Trente-sept pour cent pensent que les artistes seront remplacés par l'intelligence artificielle à l'avenir, même si c'est au détriment de la créativité.  

Generate your tracks with AI Music and take your independent career to the next level (Soundful).

Mais est-ce une menace pour les entreprises ? Universal Music a demandé à Spotify de supprimer des milliers de chansons générées par Boomy et introduites par les utilisateurs parce qu'elles utilisaient des échantillons de musique protégée par les droits d'auteur. Le phénomène est cependant difficile à endiguer face à la vague de chansons produites par les outils d'IA générative introduits dans les derniers deux ans.   

 

Les principales plateformes d'IA générative pour la création musicale :

  1. Google Music ML- lancé en janvier 2023 : compose de la musique à partir de données textuelles et imite la voix des artistes.
  2. OpenAI Jukebox- lancé en avril 2023 : génère de la musique de tous styles à la demande.
  3. BoomyAI- introduite en début 2023 : peut être utilisépar n'importe qui pour créer de la musique avec facilité, elle a déjà généré des dizaines des millions de chansons.
  4. Soundful - l’ AI Music generator concurrent de Boomy, avec une offre très varié de solutions aussi pour artistes indépendants et les professionnels de la musique.
  5. SongStarter de BandLab- permet auxutilisateurs de générer un instrumental à partir de paroles et d'emoji.
  6. Reactional Music- créé à l’originepour la musique de jeux vidéo, génère de nouvelles compositions à partir de l'ensemble des données d'un artiste.


Ces outils d’IA générative représentent dans le monde de la musique l'équivalent de ChatGPT: ils sont capable de répondre à la demande et à la description faite par l’utilisateur en générant en quelques seconde un nouveau morceau de musique. 

« Le problème pour l‘industrie se situe en amont, car les développeurs d'IA utilisent illégalement un vaste répertoire de musique protégée par les droits d'auteur pour entraîner leurs algorithmes », explique Luca Vespignani, directeur général de Dcp (Digital content protection), l'entreprise qui surveille les violations des droits d'auteur en ligne.

Quelles sont alors les solutions ? « Tout d'abord les consommateurs doivent pouvoir distinguer les contenus issus de l'IA. Ceci doivent être marqués comme tels », déclare M. Mazza.  “Les oeuvres qui ne sont pas issues de l'intelligence humaine ne doivent pas être protégées par les droits d'auteur, ni faire l'objet d'une exploitation commerciale“.

C’est le même problème déjà posé dans la création d’image. Une création assistée peut être reconnue, mais quand on est face à la seule génération de l’algorithme, il ne peut pas y avoir de droit d’auteur. 

Ensuite, les majors font recours à l'utilisation des métadonnées, ces codes qui indiquent l'origine et les droits de chaque création musicale, pour défendre les artistes contre les reprises par l'IA.  La troisième étape est la négociation, qu‘en premier Universal Music et Warner Music on démarré avec Google et OpenAI. Ils souhaitent parvenir à un accord monetisé pour autoriser l'utilisation du répertoire couvert par les droits dans l‘entrainement des modéles d'intelligence artificielle. 

Sony Music est arrivé à contacter 700 entreprises de la tech pour demander de ne pas utiliser les contenus de ses artistes pour êntrainer les modèles d’IA sans autorisations. 

L’IFPI, la féderation international de l’industrie musicale, a rappelé le rôle de Bruxelles dans son dernier rapport, diffusé à fin septembre,   en demandant aux istitutions de la UE de “supporter le developement d’une intelligence artificielle responsable et éthique“.

Marché Européen de la Musique

L’Europe est un marché important pour la musique à niveau mondiale, le deuxième après les Etats Unis.  Un marché qui vaut actuellement 5,2 milliards d’euros, superieur à celui du Japon (2,5 milliards) et de la Chine (1,3 milliards), selon le rapport de l’IFPI. Mais les revenues actuels ne sont que les 61% de ce qu’ils étaient en 2021, bien que la diffusion et l’écoute de la musique aient été multipliée par l’usage de plateformes de streaming.

L’innovation technologique, si bien gérée, pourra apporter encore de bonnes marges de croissance.


___________________________

Le point de vue de l’expert "IA, Musique & Son de l’Institut Europia, FreD Martin

Faut-il diffuser des chansons générées par IA sur les média intégrant la gestion des droits d’auteur ? Les plateformes de streaming, les radios, les chaines TV, les restaurants et globalement tous les diffuseurs publics, vont-ils se faire envahir par cette production musicale ou restera-t-elle sur des classements réservés à l’IA ? La Sacem a pris position en ne rémunérant pas ce qui est IA généré…

Il y a clairement une opposition entre la création humaine et le génératif. Le débat est toujours sur la table et toujours aussi essentiel. L’IA permet de générer des milliers de titres en quelques heures (cet été 2024, 12+ millions de personnes avaient déjà fait un titre avec Suno, le leader incontesté) alors qu’une seule et unique chanson prendra quelques jours car chacun y mettra son cœur et sa personnalité́ unique pour la rendre... unique et inédite ! Il ne s’agit donc pas de s’opposer à l’IA (inutile !) mais bien de différencier la création de la génération et c’est le cas aujourd’hui avec les hit parades IA.  

Dans le monde de la musique, toutefois, les avis sont partagés. L’IA est utilisée depuis 30+ ans pour corriger (en mixage et mastering notamment) ou générer des idées, mais c’est la première fois qu’on peut en quelques secondes générer un produit final aussi facilement. 

Mettons tout de même en perspective cette nouvelle situation. La première révolution musicale, qui a d’ailleurs permis de créer l’industrie musicale, est venu de l’enregistrement sonore. Même si l’histoire de l’enregistrement audio commence au 19eme siècle, c’est vers les années 50 que certains musiciens ont pensé que leur métier n’était plus utile puisque leur travail pouvait être écouter sans eux, sur un vinyle ou sur une bande magnétique. Cette première révolution est comparable à celle de l’IA musicale, à moins que ce ne soit l’inverse ! L’IA est donc une révolution de plus dans un business musical où les marges sont difficiles à retrouver. 

Il y a quelques années, Christine and the Queens sortait un hit basé sur des boucles musicales dites libres de droits et accessibles à tous. Dans ce cas, l’artiste avait fait rejouer les Apple loops par des musiciens. Le service Splice, lancé en 2010, a envahi la production musicale. Il permet en quelques tags de sélectionner des extraits musicaux que l’on va pouvoir modifier (au mieux) ou utiliser en l’état pour une production musicale. Dans un contexte de productivité́ musicale, c’est presque imbattable... mais on finit par tous avoir le même son. C’est flagrant au niveau du sound design avec les sons de synthétiseurs, les manières de jouer, le traitement audio de la caisse claire et grosse caisse etc. 

Les artistes travaillent donc déjà avec des outils d'intelligence artificielle pour créer de nouvelles compositions ou écrire plus facilement des paroles. Et les musiciens rejouent souvent des parties instrumentales générées par de l’IA : ils y apportent leur personnalité́, leur ressenti, leur interprétation pour ajouter de la densité́ et du caractère. On parle alors d’hybridation. L’humain passe après le travail de l’algorithme pour affiner, pour enrichir, pour rendre plus intéressant le contenu, un côté moins prévisible et souvent plus audacieux. C’est comme si on se devait de faire mieux que l’IA, et si ça « augmente notre créativité » ?  Pour les jeunes, l'IA est dans la mouvance ! Depuis le phénomène DJ des années 2000, l’accès à la création musicale est d’une facilité déconcertante avec un simple téléphone. L’IA va encore plus loin et démocratise comme jamais l'accès à la création musicale. Et c’est un auteur-compositeur-producteur professionnel qui vous le dit !

Article
Partager:
hmyXqiVG_400x400.jpeg
Chiara Sottocorona

Designed by Algoretico © 2024 All Rights Reserved